Relever le défi de l’accès à l’énergie en Afrique
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Par Philippe DUBOIS, Directeur du Corporate au sein des Réseaux Bancaires Internationaux, Afrique, Bassin Méditerranéen & Outre-mer (AFMO).
En Afrique, il ne s’agit pas tant de verdir la production d’énergie que de permettre son accès pour assurer la croissance et le développement.
Aujourd’hui, plus de 40% de la population africaine n’a pas accès à l’électricité. Or, la population de l’Afrique sub-saharienne va doubler d’ici 2050 pour atteindre 2,1 milliards d’habitants, avec une concentration à 60% dans les villes. Les besoins en énergie vont donc croître considérablement, deux fois plus vite que la moyenne mondiale d’ici 2040 (selon l’Agence internationale de l'énergie - AIE).
Beaucoup a déjà été fait pour accélérer l’accès à l’énergie : l’Afrique de l’Ouest est passée d’un taux d’électrification de 34% en 2000 à 53% en 2019. Par ailleurs, les pays de la région s’organisent autour de projets d’interconnexion pour permettre la mise en commun des ressources et réduire les coûts d’accès à l’électricité.
Mais il reste que les besoins du continent sont gigantesques. Selon le « Sustainable Africa Scenario » (SAS) élaboré par l’AEI, l’accès universel à l’électricité d’ici 2030 en Afrique ne sera possible qu’à la condition d’investissements massifs. Il faudrait tripler les investissements entre 2026 et 2030 par rapport à 2016-2020, soit 40 milliards USD dans la production bas carbone et 45 milliards USD par an dans les réseaux électriques.
Le potentiel de l’Afrique en énergies renouvelables
Le gaz constitue une énergie de transition essentielle pour le continent africain en remplacement du charbon et du pétrole. Ses réserves importantes pourront être exploitées pour ses propres besoins.
Par ailleurs, le continent recèle un potentiel important en énergies renouvelables (hydro, solaire, éolien). Il possède 40% des ressources solaires mondiales qui restent très peu exploitées. Alors que leur coût est en baisse, les énergies renouvelables deviennent très accessibles et pourraient représenter 80% des nouvelles capacités d’ici 2030 (SAS).
Des solutions décentralisées adaptées, fondées sur le solaire, pourraient ainsi couvrir près de 60% des besoins d’accès à l’énergie d’ici 2030 (SAS). Notamment, avec le développement de systèmes solaires individuels (Solar Home System pour les particuliers, solutions C&I pour les entreprises) et de mini réseaux (mini grid) indépendants des réseaux publics pour couvrir des villages ou des quartiers. Ces solutions se développent à la faveur de réglementations adaptées permettant notamment les partenariats public-privé.
Comment financer ces besoins ?
Les besoins de financements sont très importants mais ne peuvent pas être entièrement couverts par les seules banques de développement, aujourd’hui les principaux acteurs financiers de ce secteur. Le recours au secteur privé est donc essentiel.
Par ailleurs, les solutions décentralisées sont par nature difficiles à financer (seul 10% des projets sont finalement financés). En effet, elles ne sont pas encore standardisées et reposent sur de nouveaux modèles d’affaires pour lesquels nous manquons de recul.
Les solutions de financements passent donc par la coopération entre banques commerciales et banques de développement afin de maximiser leurs moyens. Mais aussi avec les organismes publics internationaux ou régionaux, qui peuvent apporter leur garantie notamment pour couvrir les risques politique, de liquidité ou de perte. Enfin, la coopération entre les banques et les acteurs privés spécialisés dans ces nouveaux modèles (fonds d’investissement, fonds de dette, structure de conseil…) est essentielle.
Société Générale, acteur financier majeur du continent, a déployé le programme « Grow with Africa » qui vise à doubler sa production de crédits à impact d’ici 2025, notamment dans les énergies renouvelables (près de 1 milliard d’euros de nouveaux crédits en 2025). Société Générale associe les compétences locales (une soixantaine d’experts) avec les compétences globales du Groupe pour accompagner les grands projets à impact positif sur le continent. La Banque s’associe avec de grandes banques de développement, des fonds d’investissement et des cabinets d’experts internationaux pour élargir et déployer son offre, notamment en faveur des solutions décentralisées.